
Qui ne connait pas le séga à l’ȋle Maurice ? Même en étant en vacances, il est impossible de ne pas entendre des bribes de séga, que ce soit dans les rues ou dans les hôtels. Le séga tipik est l’emblème de l’ȋle et témoigne de son riche, mais douloureux passé. Il s’agit d’un symbole de liberté et d’expression pour les esclaves qui n’avaient que la musique comme échappatoire face aux multiples atrocités qu’ils vécurent. Faisons un retour en arrière pour découvrir l’histoire du séga tipik et quelle est sa position actuelle à l’ȋle Maurice.
Le séga, cri de douleur des esclaves
L’origine du mot Séga remonte à 1822. Le séga était prononcé chéga ou encore tchéga par les esclaves. Cette danse et cette musique sont donc arrivées sur notre territoire en même temps que l’esclavage, soit durant la colonisation française. Les esclaves étaient amenés de force de l’Afrique de l’Est pour travailler dans les champs de cannes, s’occuper des animaux et de toutes les tâches difficiles qui nécessitaient une grande force physique. Les femmes s’occupaient des enfants blancs, faisaient le ménage et la cuisine entre autres.
Si l’on devait parler de séga tipik, nous devrions avant tout mentionner les atrocités subies par les esclaves durant cette période. Ils n’avaient pas de droits et étaient considérés comme des sauvages, des animaux et même comme des meubles, que l’on pouvait vendre. Ils étaient battus, maltraités, lapidés, on leur coupait la main…et ils subissaient plusieurs autres atrocités sans nom. N’ayant aucun droit, et encore moins celui à la parole ou à la rébellion, la seule manière d’échapper un court instant à cette vie misérable était le chant et la danse.
Les esclaves avaient ramené avec eux tam-tam et tambour africain, et les rythmes de leurs pays. Ils racontèrent leur vécu à travers le séga, et le chant était principalement triste, voire nostalgique. La nostalgie de leur pays les amenait à entonner et danser lascivement au rythme d’instruments de fortunes confectionnés avec les ressources disponibles alors : des peaux d’animaux, du bois, des cailloux et pois secs, etc.
Le séga tipik, une danse pleine d’émotion
Le séga tipik les faisait entrer en transe, et ils se lâchaient au son de la ravanne. La danse proviendrait de l’Afrique, mais elle a été entrainée par la musique festive française de l’époque. Le séga se danse en se dandinant les haches, quelques fois en trottant des pieds. Le tout est de suivre la musique, avec les deux mains au niveau des reins. Le séga peut être sensuel, car certains pas nécessitent que l’on descende doucement au son de la musique, ou que l’on se rapproche de son partenaire. Les femmes portaient de longues jupes avec un petit haut qui laissait voir leur ventre. Tandis que les hommes étaient torse nu, vêtus seulement d’un pantalon. Ces habits sont toujours portés aujourd’hui par les danseurs de séga.
D’ailleurs, avec le temps, le séga tipik s’est métamorphosé. Il est en fait un mélange de plusieurs cultures, notamment des esclaves venus des quatre coins du monde, mais aussi des immigrants et même des colonisateurs. Le séga est aussi coloré que son histoire.
Le séga mauricien, une musique encore marginalisée dans les années 50
Il ne nous reste pas beaucoup de souvenirs du séga tipik d’antan, les derniers remontent à 1950, plus particulièrement avec Ti Frer. Le Clezio écrira même :
« Le séga de Ti Frère n’est jamais mièvre, il n’a que faire des ritournelles de vacances. Il est âpre et vrai, il est sensuel et païen, il sait parler de l’amour d’Anita et d’Angeline, et rire des politiciens qui mangent pour le peuple ».
Ti Frer est d’origine Afro-malgache de par son père qui était aussi ségatier. Il fut déclaré le Roi du séga en 1964. Ce dernier est né pauvre, il était illettré et même aveugle. Ce n’est pas pour autant qu’il n’a pas écrit de grands classiques, toujours aussi populaires aujourd’hui comme : Roseda, Anita ou encore Papitou. Mais c’est surtout sa voix “cassée” qui fait frissonner et qui embarque ceux qui l’écoutent dans un voyage nostalgique. Certains titres comme “Charlie Oh”, ou “La grain café” continuent toutefois de circuler sur des cassettes dans tout l’Océan Indien.
Le séga est alors typique. Puis vint la période après-guerre. Les soldats mauriciens enrôlés dans l’armée anglaise rentraient au pays avec accordéons, guitares et violons. Le séga prendra une autre ampleur avec une sonorité plus fleurie. Après le succès initial de Ti Frère, de nombreux artistes reprennent à leur compte le séga, notamment Jacques Cantin, Serge Lebrasse, Cyril Labonne, Michel Legris…
Le séga mauricien voit le jour
Le séga devient populaire vers 1960, en même temps que la libération de l’ȋle Maurice de ses oppresseurs. D’autres instruments viennent s’ajouter au séga, comme le triangle, la maravanne ou encore le djambé. L’on commence à entendre le séga à la radio, dans les salons et même en France avec la ségatière Maria Séga pour son titre La pointe aux Piments.
La transition entre ces deux styles, ce qu’on appelle aujourd’hui le séga typique et le séga moderne, allait se faire avec l’évolution de la société. Aujourd’hui, d’autres instruments encore viennent s’ajouter au séga comme la batterie, la guitare ou encore le piano. D’autres artistes de renom font aussi vivre le séga comme Alain Ramanisum, Cassiya, Nancy Derougère, Claudio Veeraragoo ou encore Bhai Aboo.
Le séga moderne
Le séga moderne est l’emblème même de l’ȋle Maurice. Effectivement, vous ne pourrez passer des vacances à l’ȋle Maurice sans avoir écouté ou même dansé le séga. De nos jours, cette musique est jouée dans la majorité des fêtes. Les pas de danse sont presque les mêmes que ceux d’antan. Dans les hôtels, vous pourrez assister à des spectacles autour d’un feu de bois avec des danseurs et chanteurs de séga tipik. Vous ne pourrez résister à l’envie de vous lever et de danser avec eux tellement la musique est enivrante.
Le séga mauricien est maintenant inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. En effet, le séga représente le multiculturalisme du pays qui unifie et renforce les liens de chaque Mauricien.

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